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La Présidentielle 2016 en Guinée Equatoriale : vers une mascarade électorale

Le congrès du parti au pouvoir en Guinée Equatoriale, le PDGE, s’est achevé aujourd’hui. Nous savons donc à présent, depuis sa propre déclaration lors de l’ouverture du congrès mardi, que le président Obiang au pouvoir depuis 36 ans, est le candidat à sa propre succession pour la présidentielle de 2016.

Pour le Parti CORED, ce résultat n’est pas une surprise car c’est une des hypothèses que nous annoncions depuis longtemps comme un des stratagèmes d’Obiang dans sa détermination à effectuer une succession héréditaire en Guinée Equatoriale.

Pourquoi ce choix ?

Il est connu que le fils ainé d’Obiang, Teodoro Nguema Obiang Mangué, soutenue par sa mère la première dame Constancia Mangue d’ Obiang, est le premier en liste pour la succession héréditaire. Par ailleurs, vu l’âge avancé d’Obiang et son état de santé générale, Teodorin Nguema Obiang toujours appuyé par sa mère, est actuellement le président de facto en Guinée Equatoriale.

Les problèmes judiciaires de ce dernier n’étant pas réglés en France comme cela a eu lieu aux Etats Unis, ils ont préféré jouer la prudence, en espérant si possible trouver un arrangement avec la justice française et continuer un processus graduel de réhabilitation pour lui redonner une façade de crédibilité internationale comme ils ont déjà commencé à le faire au Etats Unis. Rappelons qu’en trouvant un arrangement avec la justice américaine, présenté par le régime en Guinée Equatoriale comme une déclaration de non culpabilité et la visite de Teodorin à l’Onu en représentation officielle à l’ONU, obtenant une photo avec le couple Obama, cela permet au régime d’exploiter en interne une supposée caution des USA à la succession héréditaire.

La surprise aurait été, dans ces circonstances, la désignation comme candidat à la succession le deuxième fils, l’éternel ministre de pétrole, Gabriel Mbega Obiang Lima, qui malgré l’ampleur de ses détournements de fond public supérieurs à ceux commis par demi-frère Téodorin, faits connus par le peuple, n’a pas eu d’ennuis judiciaires. Pourtant les frères d’Obiang et beaucoup de barons du régime responsables des mêmes faits de corruption et crimes, craignent aussi la perte de l’hégémonie de la région d’Obiang (Mongomo). Ils soutiennent donc ce deuxième fils qui a une image internationale plus acceptable pour passer à la troisième dictature familiale et ethnique. Or, selon Constancia Mangue d’Obiang, son fils Téodorin est désigné comme bouc émissaire du régime, elle a parfaitement conscience qu’elle-même, son fils et sa famille seront les grands perdants si le pouvoir leurs échappe.

Au vu de cette lutte intestine, Ils ont donc préféré maintenir Obiang père en tête de candidature, la figure symbolique qui incarne encore le consensus de façade, même si en coulisses ils gèrent véritablement le pouvoir et la succession future.

Une stratégie de maitrise de l’opposition à l’intérieur de la Guinée Equatoriale pour valider un faux processus électoral.

A l’intérieur du pays, la situation est telle que l’opposition est contrainte de collaborer avec le régime ou de rester dans la clandestinité. Le parti politique dit principal de l’opposition, le CPDS, a essayé de créer une nouvelle coalition avec deux partis non légalisés mais ayant un poids politique plus important, la FDR (Fuerza Democratica Republicana) un parti de la région d’Obiang et l’UP (Union Popular), pour se présenter avec un candidat unique. Or, par défaut d’un plan concret, le nouvel exécutif de l’UP dirigé par Moises Nve Ela et Fulgencio Ondo Olo, a décidé de s’éloigner de la FOD. Quant à la FDR, elle n’a pu obtenir sa légalisation.

Malgré ce rôle implicite du CPDS à légitimer la dictature lors des quatre dernières élections présidentielles, les menaces ouvertes d’Obiang à l’encontre du CPDS se précisent. En leur demandant de s’allier à son parti, s’ils veulent conserver député et sénateur que le régime leurs offre à chaque élection, cela démontre le retour au système de parti unique ouvertement explicité par Obiang à Malabo où il déclara que « le multipartisme est un système dangereux importé par l’occident pour créer des divisions dans le pays ».

Une stratégie gouvernementale de la confusion à propos des oppositions en exil.

Deux mois après la création de la CORED, certains membres fondateurs avait été expulsés après avoir découvert qu’ils étaient complices du régime. Une fois expulsés, ne pouvant plus la contrôler ou la détruire de l’intérieur, ils se sont constitués en une CORED dissidente et ont choisi Paris pour siège de leurs actions politiques, malgré qu’aucun d’eux ne réside en France.

Pour se faire une crédibilité politique ils ont contacté l’opposant historique Severo Moto qui, en mal de notoriété en Espagne, a volontiers accepté de signer l’alliance PP-CORED donnant ainsi du poids dans leurs interventions auprès des médias.

En vue des élections présidentielles, la CORED originelle s’est constituée et restructurée en parti politique, annonçant sa participation aux élections de 2016, désignant Raimundo Ela Nsang comme son candidat à ces élections et en notifiant la « Déclaration de Madrid », document qui liste les conditions demandées au régime d’Obiang pour la transparence et la légalité de ces élections.

Le parti politique historique de l’intérieur du pays UP (Union Popular) a adhéré à la déclaration de Madrid et commence à travailler avec le représentant de la CORED à l’intérieur du pays, Pedro Nguema Bindang, auprès des représentants diplomatiques sur place pour exposer les exigences relatives à des élections libres.

Dans le même temps la fausse CORED (dissidente) intensifie aussi ses actions, en se légalisant officiellement à Paris en tant qu’association, aidée pour ce faire par un ami français au nom de David Lugasi, car aucun membre de l’association ne réside en France. Mais à l’approche du congrès du PDGE deux courants sont apparus au sein de cette fausse CORED finissant par se séparer en deux entités. Celle qui fut la Secrétaire Générale de cette CORED, Emilia Nchama Jahr, se révèle très proche du régime vers Teodoro Nguema Obiang et l’autre faction, dirigée à présent par Salomon Abeso Ndong, un proche de la famille Obiang qui fut notamment le protégé du frère d’Obiang, Armengol Ondo Nguema, réside à Londres et joue son rôle en affinité avec les frères d’Obiang et certains barons du régime.

Emilia Jahr Nchama a donc participé en Guinée Equatoriale au congrès du PDGE en utilisant l’acronyme CORED pour discréditer notre action politique à l’intérieur du pays, tandis que l’autre faction de la fausse CORED s’établissait à Paris pour créer la confusion en organisant les événements médiatiques où Salomon Abeso Ndong se charge de recruteur des pseudo-opposants, la plupart désœuvrés et qui se servent de ces réunions pour mener grand train de vie dans les hôtels luxueux de Paris.

En résumé, la dynamique actuelle de l’opposition de la Guinée Equatoriale est la suivante : 1) CPDS Andres Esono Ondo, est prêt à aller aux élections pour légitimer la dictature. 2) le Parti CORED en exil et UP à l’intérieur exigent des élections libres et transparentes sous les conditions de la « Déclaration de Madrid ». 3) Les autres groupes d’oppositions, dont certains à l’intérieur du pays, exigent leur légalisation, d’autres groupes isolés à l’extérieur ne se sont pas encore prononcés.

Crise économique, politique et incidences inconnues.

Dans ce contexte, une donnée reste inconnue dans cette équation, la crise économique, due à la diminution de la production et des prix du pétrole, frappe de plein fouet la Guinée Equatoriale. Cette crise fait apparaitre une gestion désastreuse des années passées sans aucune diversification de l’économie. Le président Obiang tente vainement de trouver des investisseurs étrangers, mais le climat délétère des affaires autour de son régime empêche manifestement ces investisseurs de se risquer en Guinée Equatoriale. Obiang a reconnu dans ce congrès l’augmentation de la délinquance et violence dans le pays, mais la solution qu’il prône est de couper les tendons des voleurs afin qu’ils soient identifiés dans la société. Il n’est donc pas exclu de voir l’intensification de protestations populaires avec le renforcement de cette crise, ce qui peut conduire à un véritable chaos.

Cette situation est préoccupante, dans la mesure où seule une issue politique légale peut éviter le chaos en guinée Equatoriale, mais au regard de l’actualité de la dictature Obiang, si rien ne change, le futur proche de la Guinée Equatoriale s’annonce sombre.

La fermeture des frontières en Guinée Equatoriale, pour l’organisation de ce congrès, donne d’avance le ton des élections à venir, en marge de toute légalité, si aucune pression internationale n’est exercée. Obiang est comme tous les dictateurs africains tels Sassou, Kabila etc. qui ne veulent pas quitter le pouvoir, ils vont se soutenir entre eux et s’appuyer sur leurs expériences réciproques, peu importe pour eux de ruiner notre continent.

La question de fond qui se pose au regard de l’histoire : Allons-nous laisser cette situation se dégrader avec comme seul recours une éventuelle réponse populaire violente et spontanée ou faire pression sur le régime Obiang afin qu’une véritable transition démocratique intervienne avant que ce pays ne s’enfonce une fois de plus dans la misère et le chaos ?

Paris 12 Novembre 2015

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